Le Parlement français a définitivement adopté le projet de loi de relance du nucléaire, marquant ainsi une avancée significative dans la politique énergétique du pays. Cette mesure, soutenue par une large majorité de 399 voix contre 100, vise à faciliter la construction de six nouveaux réacteurs EPR d’ici à 2035.
Le texte a reçu un soutien important de la part d’une coalition regroupant des voix provenant du camp présidentiel, des Républicains (LR), du Rassemblement National (RN) et des communistes. En revanche, les groupes écologistes et La France Insoumise (LFI) ont voté contre. Le Parti Socialiste (PS), qui avait exprimé son opposition lors de la première lecture, s’est cette fois-ci abstenu, considérant le nucléaire comme une “énergie de transition” vers les énergies renouvelables.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a qualifié cette loi de “majeure” pour produire une “énergie indépendante, compétitive et décarbonée”. Elle a également appelé à un “consensus politique” en matière énergétique. Dans le cadre de cette initiative, la ministre a réuni à Paris des représentants de quinze pays européens favorables au nucléaire afin d’influencer la “stratégie énergétique” de l’Union européenne.
Le projet de loi simplifie les démarches administratives pour concrétiser l’ambition du président Emmanuel Macron de construire six nouveaux réacteurs EPR d’ici à 2035, tout en lançant des études pour huit autres. Il s’applique aux nouvelles installations situées sur des sites nucléaires existants ou à proximité, comme Penly (Seine-Maritime) et Gravelines (Nord). Les parlementaires ont supprimé une contrainte introduite en 2015 sous le gouvernement de François Hollande, et déjà modifiée sous celui d’Emmanuel Macron. Ainsi, le texte élimine l’objectif de réduire à 50% la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique français d’ici à 2035 (initialement prévu pour 2025), ainsi que le plafond de 63,2 gigawatts de capacité de production nucléaire autorisée.
Cependant, cette démarche suscite la désapprobation des opposants au nucléaire, car elle précède la future loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, attendue au mieux cet été. Certains critiquent le fait que “tout a été fait dans le désordre” et estiment que seule cette loi de programmation aurait dû décider de la relance ou non du nucléaire, selon Maxime Laisney, membre du parti La France Insoumise (LFI). Greenpeace et le réseau Sortir du nucléaire ont également protesté contre cette initiative, dénonçant une relance précipitée et forcée.
Le texte renforce également les sanctions en cas d’intrusion dans les centrales, avec une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et une amende pouvant atteindre 30 000 euros. Ces mesures visent à renforcer la sécurité des installations nucléaires et à dissuader toute tentative d’intrusion.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, les écologistes et La France Insoumise (LFI) ont vivement critiqué le projet de loi, mettant l’accent sur les préoccupations liées aux déchets nucléaires ainsi que sur les récents incidents, tels que la fissure détectée dans un circuit de secours d’un réacteur de Penly en mars dernier. Julie Laernoes (EELV) a dénoncé une campagne de communication visant à dissimuler les dangers technologiques et financiers du nucléaire, ainsi que les tonnes de déchets qui en découlent. Les partis LFI et les Verts ont annoncé leur intention de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Ils militent en faveur d’une sortie de l’énergie nucléaire et d’une transition vers 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2045.
Malgré ces oppositions, certains acteurs soulignent l’importance de revoir l’attitude envers l’énergie nucléaire face à l’urgence climatique et aux risques de pénuries d’électricité pendant l’hiver, notamment en raison de la situation en Ukraine. Une commission d’enquête parlementaire, dirigée par les députés Raphaël Schellenberger (LR) et Antoine Armand (La République en Marche), tous deux favorables au nucléaire, a souligné les erreurs politiques des trente dernières années en matière énergétique. Ces défenseurs de l’énergie nucléaire estiment qu’il est temps de changer d’approche et de ne plus avoir honte de cette source d’énergie.
En ce qui concerne la réforme de la sûreté nucléaire, les parlementaires n’ont pas intégré les mesures controversées souhaitées par le gouvernement. Cependant, l’exécutif continue de considérer la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), organisme d’expertise technique, au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’organisme de réglementation des centrales, malgré les protestations des syndicats. En commission mixte paritaire, les députés et les sénateurs ont supprimé un amendement adopté à l’Assemblée qui visait à empêcher toute fusion en garantissant une organisation distincte entre l’IRSN et l’ASN.
L’adoption définitive de la loi de relance du nucléaire marque un tournant dans la politique énergétique de la France, en mettant l’accent sur la construction de nouveaux réacteurs EPR et en éliminant progressivement les objectifs de réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique national. Toutefois, cette décision suscite des débats passionnés entre les partisans du nucléaire et les défenseurs des énergies renouvelables, illustrant les enjeux complexes et controversés de la transition énergétique.
Source : BFM Business